-C’est pas la grande forme, elle a
morflé, mais elle est en un seul morceau.
-Bien. Elle est réveillée ?
-Oui. »
Niklaus entra dans la tente où l’on avait
ramené Ingrid. Elle était apparue à la tombée de la nuit, tel un cadavre
ambulant, et s’était effondrée dans le campement. Le matin même, elle avait
décidé d’accompagner l’expédition mené par Heinrich. Il avait entrepris d’explorer
Drotysin. Lieu maudit, d’après les légendes. Ingrid était revenue seule.
Allongé sur un vieux lit de camp de
récup, Ingrid ne dormait pas. Elle ne dormirait plus jamais. Elle tentait de se
redresser, mais d’un geste compatissant, Niklaus lui fit comprendre que ce
n’était pas nécessaire, ni dans son intérêt.
« -Je ne vais pas t’embêter
longtemps, tu as besoin de repos. Mais il me faut des réponses, il en va
de la sécurité de notre groupe. Ingrid, est ce que… est-ce que tu peux me dire…
ce qui s’est passé…Ingrid ? »
Elle ne répondit pas. Ses yeux vides
fixaient le plafond de la tente. Niklaus insista. Alors elle expliqua :
« -On s’est fait massacrer !
Ils y sont tous restés. On y restera tous ! »
Le petit groupe, mené par Heinrich était
composé de Jürgen, Georg, Gretchen et de Louie, le p’tit singe de Gretchen. Elle
avait décidé de les accompagner malgré les réticences de Heinrich.
« -On sait pas ce qu’on va trouver,
hein ! Alors tu joues pas au héros et tu me traînes pas dans les pattes,
fillette, c’est clair !
-Oui M’sieur… »
L’objectif était d’explorer les ruines
d’une vieille ville, Drotysin, afin de trouver de quoi ravitailler le Convoi,
en vivre et en matériel. Elle avait déjà cru entendre ce nom, mais elle n’y
prêta pas attention.
« -Tu vois quoi Gretchen, avec ton
joujou ?
-Des ruines, des containers, des
poubelles et d’autres merdes qui pourront peut-être nous servir.
-Rien d’autre ?
-Non, rien d’autre.
-Faut être sûr, hein fillette. C’est pas
qu’une fois qu’on est dans la merde qu’il faut se rendre compte qu’on a pas de
PQ !
-Tu veux ma longue vue ?
- Georg pas besoin de PQ. Georg…
-On s’en fou, le débile !
-Georg pas débile. Georg quand enfant…
-Louie ! Qu’est-ce que maman
a dit ? On tire pas la langue à ce débile….
-Vos gueules ! Je vois un truc là.
Merde, des Khans. Avec le grand tout vert.
-Ben ça fera un pote à Georg pour
discuter PQ…
-Préparez-vous à les attaquer. C’est pas
la peine de les éviter, ils sont là pour la même raison que nous. Pas question
de leur laisser la place. Si vous voulez pas finir dans l’estomac de ces gros
nazes, faut vous sortir les doigts !
-C’est une métaphore, hein ?
-Pour les doigts, oui. Pas pour leur
régime alimentaire ! »
Ingrid se tut. Niklaus lui tendit une
tasse remplit d’un breuvage chaud.
« -Bois, ça va t’aider ».
Elle obéit machinalement. Le liquide
chaud n’avait aucun goût, mais la revigora.
« -Ensuite, Ingrid, que s’est-il
passé ?
-… Jurgen s’est avancé, imprudemment.
Heinrich aussi. Le géant tout vert, il a…il a soulevé un autre type, deux fois
plus grand que toi et l’a transporté. Goerg, il a l’air d’un gosse de 6 ans à
côté de ça. Il était armé de deux tronçonneuses. Jürgen est tombé le premier.
Et puis, je crois qu’il y avait une femme dans leur groupe, en retrait. Je
crois que c’est une sorcière. Elle à mis le feu au géant. Il y en avait un quatrième,
mais je sais pas trop ce qu’il fichait là. »
Ingrid se mit à pleurer. Elle renifla et
semblait avoir repris ses esprits.
« - Ensuite Georg s’est rué sur le
type avec ses tronçonneuses, mais il a été obligé de battre en retraite !
C’est à ce moment qu’il est sorti des égouts…
-Qui est sorti des égouts ?...
Ingrid ? Qui-est-sorti-des égouts ?
-Je ne sais pas ce que s’était, Niklaus,
mais c’était rapide, puissant et blindé. On l’a vu en premier. J’avais même pas
remarqué que Heinrich était mort. J’ai vu Georg tombé sous les coups des
tronçonneuses alors que le Géant fonçait sur Gretchen et moi. Et puis, ils ont capté qu’il y avait quelqu'un d’autre. Cette chose a arraché la tête du gars avec les tronçonneuses comme on
décapsule une bouteille. Le Géant vert a tenté de s’interposer, mais l’autre,
il prenait le dessus. Facilement. J’étais tétanisée. Tous mes camarades sont
morts. Je restais là, incapable de bouger. Les Khans fuyaient, laissant le
géant aux prises du monstre. Et puis… Alors qu’il allait l’achever, il renifla
quelque chose dans les airs, et vif comme l’éclair, il s’engouffra dans une
bouche d’égout, laissant sa victime agoniser.
J’ai fui, Niklaus ! J’ai fui et j’ai
laissé mes compagnons aux mains de cette chose ! »
Elle s’effondra, pleurant toute l’eau que
son corps contenait, une eau si précieuse à la survie du Convoi. Quel gâchis,
se dit Niklaus. Il culpabilisa d’avoir cette pensée.
« -Tu ne pouvais rien faire d’autre.
Repose-toi maintenant. »
Il quitta la tente.
Quelle que soit la chose qu’Ingrid à vue,
ou cru voir, c’est un problème. Niklaus se demandait s’il devait envoyer un
groupe à la recherche de ses compagnons disparus. Il fut interrompu dans ses réflexions par un cri.
« Niklaus ! Viens,
vite ! »…
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